Quelle agriculture aujourd'hui... et pour demain ?

Contexte alimentaire mondial

 

L'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (ou la FAO), dans un rapport publié fin septembre 2009, a estimé qu'il faudra augmenter de 70 % la production agricole de la planète pour répondre en 2050, aux besoins alimentaires de tous ses habitants.
Toujours selon la FAO, et selon un rapport aussi publié fin 2009, la faim dans le monde touche aujourd'hui plus d'un milliard de personnes, essentiellement dans les pays en voie de développement.
Dans ce contexte, la réponse qui est avancée, le plus souvent sans débat et au prétexte que « c'est une évidence », c'est la promotion d'un modèle agro-industriel mécanisé, centralisé, standardisé et uniformisé, soutenue par des efforts  énergétiques considérables dans le but de maximiser les récoltes.
Or, contrairement aux idées reçues, dans la grande majorité des situations les problèmes de faim dans le monde ne sont le plus souvent pas dues à une pénurie de nourriture, mais plutôt liés aux questions plus complexes de qui produit la nourriture, ou et comment elle est produite, comment elle est distribuée, et finalement qui peut y avoir accès.
Peu de place pour le doute à ce sujet si l'on considère notamment qu'environ 50% de la nourriture produite dans le monde est non consommée, perdue et gaspillée, selon une étude intitulée « Du champ à la fourchette » et produite en 2008 par une agence de l'ONU, le Stockholm International Water Institute.
Le monde d'aujourd'hui produit bien plus de nourriture par habitant que jamais dans l'histoire...
Les vraies causes de la faim dans le monde sont donc la pauvreté, les inégalités sociales, et l'inégale répartition des ressources. Or cette aberration est une conséquence directe et probablement inévitable de l'avènement de cette agriculture conventionnelle ainsi que de celui des chaines logistiques, qui vont justement du champ à la fourchette en faisant sur le trajet plusieurs fois le tour de la planète.
Lorsque les circuits de la chaine de production et de distribution alimentaire sont raccourcis et décentralisés, on gaspille moins..
Lorsqu'on produit soit même sa propre nourriture on ne gaspille plus. Le tout est de pouvoir le faire bien et en quantité suffisante.
C'est, entre autre, ce que prétendent permettre l'agroécologie et sa fille sauvage, la permaculture.

 

L'agroécologie est une voie alternative permettant d'augmenter bien au delà de ce que propose l'agriculture conventionnelle la productivité et l'intensification des rendements agricoles.
Son ambition et sa réussite est de le faire en se basant sur trois principes essentiels :
• S'appuyer sur les savoirs traditionnels fermiers, et sur un ensemble de techniques adaptées aux conditions et aux ressources locales.
• Promouvoir la diversité écologique et économique dans le but de répartir et diluer les risques, conserver voir même enrichir les ressources naturelles, et accroitre la souplesse du système agricole.
• Permettre son accessibilité et sa maitrise par les moins riches, en diminuant les couts liés aux investissements matériels, et en accroissant l'indépendance énergétique.
C'est une approche nouvelle et surtout moderne dans la mesure ou elle incorpore une analyse et une compréhension scientifique des principes biologiques et écosystèmes qui peuvent régir une ferme à un endroit donné, et cherche à influencer tant les stratégies écologiques que sociologiques.

 

La permaculture, en tant qu'outil de conception agricole, s'inscrit dans la même logique que l'agroécologie, mais pousse à l'extrême l'utilisation et la mise à profit des écosystèmes, en basant sa conception sur l'imitation d'un des écosystèmes les plus complexes qui soit : la forêt.

 

Un autre échec de l'agriculture conventionnelle est environnemental : pesticides, engrais chimiques, désertification...
Selon Claude Bourguignon, microbiologiste des sols, l'homme n'a jamais, en 6000 ans d'histoire été capable d'inventer une agriculture qui respecte les sols. En précisant qu'il y a tout de même eu quelques exceptions à la règle durant ces 6000 ans, l'agroécologie et la permaculture offrent aujourd'hui des solutions, sinon LA solution permettant aujourd'hui de restaurer les terres arables dégradées par l'agriculture mécanisée.

 

Nourrir l'humanité et reverdir la planète, une utopie ?  Un projet humaniste et écologiste, c'est indéniablement le cas. C'est aussi un projet économique de premier ordre sur lequel il convient de se pencher.

 

BILAN DE L'AGRICULTURE CONVENTIONNELLE

 

Actuellement, la population de la planète augmente tous les jours de 250 000 personnes, ce qui suppose qu'il nous faudrait chaque jour augmenter la surface agricole en production de 125 000 hectares, exploités en agriculture conventionnelle. Estimation faite sans tenir compte de l'essor des biofuels, qui faute de vraie pertinence bio, entraînent déjà des besoins agricoles encore plus importants.
Hors, selon Luc Gnacadja, secrétaire à la convention de l'ONU contre la désertification (UNCCD), cet impératif risque d'être franchement contrarié à très court terme. Selon lui, les déserts et les surfaces menacées par la désertification qui couvrent 45% de la surface terrestre en 2010 en couvriront 70% en l’an 2025, et l'agriculture est directement mise en cause dans ce processus.
D'après le Professeur David Pimentel de l'Université de Cornell, de 1956 à 1996, ce sont 1,5 milliards d’hectares de terres arables à l'échelle du globe, qui ont été abandonnés en raison de l’érosion.  Cela représente un tiers des surfaces arables de la planète, déjà inutilisable et réduit à l'état de poussière.

 

Quelle est la tendance aujourd'hui ?
Les pertes de surfaces arables sont estimées à une fourchette comprise entre 70 000 et  140 000 km2 par an (à titre de comparaison entre 12 et 25% du territoire français), ce qui correspond à 75 milliards de tonnes de sols perdus. Une étude de l'Université de Sydney publiée récemment à démontré que le sol disparaissait en Europe 17 fois plus vite que le temps qu'il lui faut pour être créé. On arrive en Chine à une destruction des sols 57 fois plus rapide que leur création, ou les chiffres officiels (donc à minima) évoquent la perte de 5 milliards de tonnes de sol chaque année.
Sur le terrain, les tempêtes de sable qui surviennent dans ces nouvelles étendues désertiques, et qui s'abattent de plus en plus sur Beijing (Pékin) le rappellent implacablement.
Pour chaque tonne de nourriture produite, ce sont donc entre 6 et 18 tonnes de sol qui sont lessivées. C'est en Chine, pour continuer la comparaison, que l’érosion serait maximale et que l'on arriverait au chiffre de 18 tonnes de sol perdues par tonne de nourriture produite.
Raison de ce saccage des terres arables autour du monde, la déforestation massive, majoritairement au profit d'exploitations agricoles, avec le « travail » de la terre qui s'ensuit : le labour.

Le labour ne sert à l’origine qu’à éliminer les mauvaise herbes. Ce n'est plus qu'une habitude culturelle archaïque, au vu des alternatives bien plus pertinentes qui ont été inventées depuis.
Sa pratique entraine la formation d'une « semelle de labour », couche de sol solide et tassée à la surface et sur environ 30  centimètres de profondeur, qui empêche l'oxygène de pénétrer. Sans oxygène, il n'y à plus de production d'humus... La pénétration de l’eau est aussi considérablement réduite ainsi que la capacité des racines des plantes à se développer.
Les 2 conséquences principales et successives d’un labour sont donc les suivantes :
• Destruction de la structure du sol, car la remontée vers la surface des champignons et bactéries qui logiquement nourrissent la plante et conservent l’eau sous terre, tue ces éléments indispensables. On a donc un sol en état de quasi mort biologique, ce qui est la première étape de l'érosion d'un sol.
• La deuxième étape mène directement à la désertification, puisque mise à nue et quasi-imperméable, la matière minérale soumise au vent et à la pluie est lessivée, et part rapidement dans les rivières ou dans les airs. Cette érosion du sol peut s’élever jusqu’à 25 tonnes par an et par hectare cultivé, ce qui correspond à environ 25 mm d’épaisseur de sol.
91% des 1, 5 milliard d'hectares de terres arables sont exploités en monoculture de grains, et sont par conséquent, dans leur grande majorité, arrosés de pesticides et engrais chimiques et labourés.
Pour l'Europe, Claude Bourguignon estime que les sols ont perdu en moyenne 90% de leur vie biologique.

 

En France, les semences que les exploitants agricoles utilisent sont celles disponibles dans le catalogue européen, et sont aujourd'hui les seules légales. Alors que traditionnellement, les semences étaient sélectionnées par les agriculteurs, elles sont désormais sélectionnées par des généticiens et des agronomes. Elles sont donc maintenant le résultat d'une sélection faite dans un contexte agricole bien particulier, celui des sols et des méthodes de culture issues de la Révolution Verte. Ces semences officielles sont aujourd'hui faites pour pousser idéalement dans une situation ou les sols sont labourés profondément, ou la terre n'a quasiment plus d'activité biologique, mais est fertilisée en engrais phytosanitaire de toutes sortes par l'agriculteur. Les plantes qui ont le mieux fonctionné dans ce système là, sont sélectionnées, génération après génération, jusqu'à ce que l'on ait une variété totalement uniforme. Ces graines toutes identiques ne peuvent fonctionner que dans cette logique là, car il y a eu une élimination de tout le patrimoine génétique qui permettrait de s'adapter à d'autres conditions.
Concrètement, les variétés modernes n'ont quasiment plus de racines, puisque leur rôle est désormais d'absorber l'azote épandu par les agriculteurs, disponible tout prés de la surface du sol. Elles n'ont plus cette capacité a développer des racines profondes pour s'approprier les sels minéraux originellement présents dans le sol.
Une tentative d'arrêter les épandages d'azote sur un champs de blé, en France ou les sols sont si abimés, se soldera par un effondrement de la récolte...
Sans engrais phytosanitaires et avec une terre « fatiguée », les rendements sont logiquement catastrophiques. Beaucoup en déduiront malheureusement qu'il faut nécessairement une bonne dose d'azote pour produire beaucoup de blé, car sans cela on ne produit plus...
D'autres en déduiront qu'il faut d’abord avoir des semences accompagnées de pratiques qui favorisent l’enracinement des plantes, la production de sols riches en matière organiques et un apport en azote plus pertinent, comme nous le verront plus tard.

 

Une dépendance au pétrole
L'agriculture chimique, qui dépend si lourdement des énergies fossiles, produit des récoltes cultivées à partir de pétrole plutôt qu'à partir des sels minéraux qui sont à l'origine disponibles dans le sol. A titre d'exemple, il faut 2 tonnes de pétrole pour produire 1 tonne de pesticide ou d'engrais chimique. Au bout du compte, il est estimé qu'il faut en moyenne 10 calories pour en produire 1 seule, ce qui est, il faut le souligner le comble de l'improductivité.
Sur les cultures hors-sols de fraises ou de tomates, on monte à 36 calories, pour en produire une... Toujours selon David Pimentel et suite à son étude « Food, land, population and the US economy », « Entre 1945 et 1994, l’énergie utilisée par l’agriculture a été multipliée par 4 tandis que les récoltes ont été multipliées par 3. Depuis lors, l’énergie consommée n’a cessé d’augmenter sans augmentation correspondante des récoltes. A cause de la dégradation des sols, de la demande croissante de gestion des nuisibles et des coûts pour l’irrigation, l’agriculture moderne doit continuer d’augmenter ses dépenses énergétiques simplement pour maintenir sa production actuelle. »
Dans le cas plus précis du blé, un accroissement de rendement de 6 % nécessite aujourd'hui un accroissement d'intrants de 266 %. Difficile de combiner cela avec une population qui croit de manière exponentielle.

 

Les conséquences sociales de cette agriculture conventionnelle
De cette agriculture conventionnelle sont nés tous les grands bidonvilles de la planète, provoqués par un exode rural massif de populations de fermiers. Ces derniers n'ont pu faire face à l'inondation des marchés céréaliers et autres denrées alimentaires produites à moindre coût par l'agriculture productiviste.
Lorsque les petites fermes souffrent, c'est l'ensemble des campagnes qui trinquent puisque les revenus liés à la vente des productions agricoles sont concentrés entre les mains de ces rares exploitants et divers industries liées à la production alimentaire.
La conséquence en est une destruction du tissu social et des structures économiques dans les campagnes, suivie de l'entassement des ces populations rurales en périphérie des villes, en quête de travail.

 

Quel intérêt ?
La monoculture mécanisée est préférée par les grands groupes pour 3 raisons essentielles :
• Elle nécessite beaucoup moins de main d'oeuvre, et peut être plus facilement gérée grâce à une lourde machinerie.
• Elle peut produire massivement des produits uniformes et standardisées pour faciliter leur traitement industriel, leur empaquetage et leur transport.
• Enfin, une raison essentielle est que cette centralisation qu'elle implique permet une vraie mainmise sur le marché de l'agro-alimentaire. Il est aujourd'hui établi que quelques 80% des terres arables exploitées en agriculture mécanisée intensive dans le monde sont la propriété de multinationales.
L'intérêt est donc financier, et profite essentiellement à de grandes corporations semencières, chimiques, et équipementières dont l'adoption des stratégies agricoles par les pouvoirs politiques n'est en aucun cas à considérer comme un signe de pertinence ou même de logique.
La vente de semences produisant des fruits dont les graines sont stériles, et qui implique leur rachat tous les ans, (les fameuses « Terminator» de Monsanto) est la clef de voute d'une stratégie visant à transformer les fermiers en exploitants agricoles dépendants et ultimement à contrôler l'essentiel de la chaine alimentaire.
Le mythe de la grande exploitation agricole industrialisée est donc bel et bien la stratégie qui s'avère irréaliste, inefficace et aujourd'hui dangereuse.

 

L'agriculture bio, une solution ?
Dans un soucis de se préserver des effets sur la santé des produits phytosanitaires, et de leurs effets néfastes sur l'environnement, l'agriculture dite bio s'est fortement développée dans les années 90, suivant un mouvement écologique de plus en plus populaire.
Une agriculture réellement « écologique », et qui cherche à être durable cherche donc à abandonner l'utilisation des hydrocarbures (pétrole) et privilégie l'utilisation des hydrates de carbone (matière organique). Cette agriculture bio, telle qu'elle s'est développée notamment en Europe offre une première opportunité de comparaison avec l'agriculture conventionnelle, notamment sur le plan de l'intérêt économique. Certaines études indiquent que les rendements biologiques sont de l’ordre de 80 % des rendements classiques ou même de 50 %. Nombreuses autres études révèlent aussi des rendements similaires pour les produits biologiques et ceux obtenus selon les systèmes classiques.
Sur ce point il est difficile de se prononcer car beaucoup d'études à ce sujet sont contradictoires, néanmoins beaucoup de témoignages confirment que les fermes bio où les rendements sont aussi élevés que les autres sont pour le moment assez rares.
Une analyse de leurs performances économiques, menée de 1991 à 1992 montre que l'agriculture biologique demande un surcroît de travail de 35% environ, avec un décalage des pointes de travail dans l’année. Aux USA, l’agriculture biologique, importe de 50 à 85 % de ses fertilisants et de ses matières organiques.
En dehors de l'aberration que constitue une agriculture bio restant dépendante des hydrocarbures pour s'approvisionner en engrais « bio », et qui se faisant soustrait à une autre région du monde ses fertilisants organiques, ce modèle ne peut pas être reproduit partout et est condamné à être réservé à une clientèle aisée, puisque de tels investissements en travail et en fertilisants bio sont visibles sur le prix final des produits.
Une étude de l’Institut Borlaug a notamment montrée récemment qu’il est impossible de développer une telle agriculture biologique sur une large échelle en Afrique parce qu’il n’y a pas assez de matières organiques pour la dynamiser dans un premier temps.
L'Europe s'en sort un peu mieux notamment dans le nord de la France ou les cultures sont alternées par les agriculteurs bio, dont les vaches « fument » le champs, devenu prairie, et fertilisent la terre notamment en azote. Le fait est qu'il est extrêmement difficile de faire du bio pour les agriculteurs souhaitant conserver un système spécialisé et uniforme, avec des grandes cultures telles que le blé. Ces agriculteurs pratiquent toujours autant le labour, et ont un bilan énergétique très peu inférieur à celui de leurs camarades de l'agriculture intensive.
Enfin et surtout ils font partie intégrante d'un corps de métier acceptant mal les remises en cause. En l'occurrence une critique du bio est qu'à cause de ses rendements inférieurs, beaucoup plus de terres arables devront être exploitées pour pouvoir suivre la demande de nourriture.
Arguments venant évidement des mêmes « experts » persuadés que les grandes exploitations sont les plus à même de remplir cette mission...
L'agriculture bio est aujourd'hui un premier pas dans la bonne direction, d'une agriculture encore trop institutionnalisée et conformiste.
 

 

La compréhension des écosystèmes et des processus biologiques sera la seconde étape, un deuxième pas vers une agriculture plus observatrice de son environnement, plus à même de comprendre quelles solutions existent à l'état naturel pour augmenter son efficacité.
L'agroforesterie et le semis direct sont aujourd'hui des solutions très sérieuses, pertinentes, et qui apportent la preuve qu'une telle compréhension du rôle central que joue le sol en agriculture porte très vite ses fruits, en matière de rendement et de qualité.
Aller jusqu'au bout de cette logique implique néanmoins de s'intéresser de plus prés à l'agroécologie et à la permaculture, et de porter un regard neuf sur certains savoirs fermiers traditionnels, et leur intégration aux écosystèmes et économies locales, comme le suggère cette discipline.

 

AGROECOLOGIE ET PERMACULTURE : LE CONTEXTE AGRICOLE

 

L'agroécologie et, de manière plus complexe, la permaculture se basent en grande partie sur l'élaboration d'un modèle écologique mettant à profit la biodiversité permise par la polyculture, dont le travail n'est possible qu'a l'échelle des petites fermes.

 

L'efficacité des petites fermes 

Il est communément expliqué par l'essentiel du monde industriel, politique, et accepté par le commun des mortels que les grandes exploitations agricoles sont plus « efficaces » que les petites fermes, et plus à même de répondre à la demande croissante de denrées alimentaires.
L'histoire, ainsi que les études récentes les plus sérieuses montrent néanmoins qu'il s'agit justement du système le plus inefficace pour produire de la nourriture.
Quelle efficacité ?
L'agriculture d'aujourd'hui tire son unique avantage d'un seul aspect de la productivité agricole.
La productivité par travailleur : Dans ce domaine, rien ne concurrence l’agriculture mécanisée et chimique. Tout le monde à en tête ces images d'agriculteurs sur leurs tracteurs géants, sillonnant des étendues uniformes gigantesques couvertes de blés ou de maïs.
Un agriculteur peut cultiver avec ses machines jusqu'à 500 hectares, et aux USA, on considère qu'un agriculteur nourrit environ 130 personnes.
Dans un monde ou le chômage touche toutes les sociétés, ou les ressources énergétiques en déclin sont l'objet de conflits internationaux, il convient d'apprécier l'efficacité des systèmes agricoles au vu d'autres indicateurs : la productivité par unité de surface et la productivité par unité d’énergie fossile consommée.
Toutes les données démontrent en effet que plus l'exploitation est grande, plus elle est inefficace.
Un système de ferme intégrée à petite échelle, dans lequel un fermier produit des grains, des fruits, des légumes, des produits animaux, (oeufs, lait) est largement plus productif que tous les modèles de monoculture sur grandes parcelles, que ce soit en termes de tonnage, de calories ou de revenus. Selon une étude dirigée aux États-Unis en 2002, la plus petite catégorie de fermes, celles avec une taille de moins de 1 hectare, génère des revenus 10 à 50 fois plus élevés par unité de surface que pour la catégorie des fermes Américaines les plus grandes.

Plus précisément, les fermes avec une superficie inférieure à 15 hectares sont plus de 10 fois plus rentables (par unité de surface toujours) que les fermes les plus grandes.

 

 

De part le monde, on retrouve facilement le même schéma : en Thaïlande par exemple, les petites fermes entre 1 et 2 hectares produisent 60% de riz en plus par hectare que les fermes plus grandes. A Taïwan, le revenu net par hectare pour les fermes de moins de 3 hectares est quasiment le double de celui des fermes de plus de 10 hectares.
Le phénomène est reconnu par la plupart des économistes de l'agriculture, et à très souvent été étudié sous l'intitulé «relation négative entre la productivité et la taille des fermes ». Même la Banque Mondiale a admis dans un rapport de 1998 « Making negotiated land reform work » que la redistribution des terres au profit des petites fermes conduirait à des gains de productivité substantiels.

 

Les raisons de l'efficacité supérieure des petits fermiers sont nombreuses :
• Ces fermiers pratiquent plus volontiers les cultures associées, ou la culture intercalaire de diverses variétés sur un même champs, plantant et récoltant potentiellement plusieurs fois dans l'année, intégrant des élevages voire des systèmes d'aquaculture, faisant ainsi une utilisation de l'espace beaucoup plus intensive.
• L'optimisation de la surface du champ est plus évidente chez les petits fermiers, qui vont utiliser tout l'espace disponible sur leur champ, alors que les plus grandes fermes ont toujours des parties de leur champ que l'on pourrait qualifier « d'angles morts », mal utilisés ou laissé à l'abandon.
• Un système d’irrigation mieux ciblé, car les petits fermiers font généralement un usage plus raisonné et surtout plus productif de leurs ressources en eau.
• Qualité du travail... L'important turn-over d'une main d'oeuvre aliénée dans les grandes exploitations, garantit un travail moins bien fait que celui d'une main d'oeuvre éventuellement familiale, toujours mieux traitée dans une petite ferme, donc plus motivée. La conséquence direct en est que l'intensité de travail par unité de surface y est beaucoup plus grande.
• Les petites fermes préfèrent le plus souvent le compost, fumier, qu'elles peuvent produire elles mêmes, pour améliorer la fertilité de leur sol. Dans le même temps les grandes fermes sont obligées d'acheter des intrants, au vu de la taille de leur champs. Ces intrants doivent donc faire l'objet d'un investissement et sont systématiquement chimiques.
Les petites fermes sont plus productives, plus efficaces, et contribuent de manière beaucoup plus directe et locale au développement économique.
On constate aussi que même avec des rendements bien supérieurs, leur impact sur l'environnement est bien moindre. Ces fermiers sont en effet plus volontiers des dépositaires sérieux et responsables des ressources naturelles, plus respectueux de la biodiversité et de la pérennité à long terme de leur sol. Il en a d'ailleurs toujours été ainsi. Dans les années 1850, bien avant la démocratisation des transports réfrigérés, la population de New-York, soit plus d'un million de personnes, s'approvisionnait en nourriture dont la provenance était de moins de 10 kilomètres autour des limites de la ville.

 

La polyculture
Beaucoup de scientifiques croient faussement que les systèmes agricoles traditionnels ont une productivité limitée parce que les outils manuels et l'utilisation de la force animale plafonnent leur productivité. Dans les nombreux cas ou la productivité est peu élevée, il s'avère que les raisons sont plus souvent d'ordre social que techniques.
Les paysans mexicains de l'état du Chiapas se distinguent par une agriculture que certains pourraient rapidement considérer comme archaïque et à priori improductive. Pourtant, leur technicité en cultures associées (consistant à cultiver plusieurs espèces végétales ou variétés sur la même parcelle en même temps) qui à réussit à se développer à partir de l'héritage de la technique dite des Trois Soeurs, leur a permit d'atteindre un niveau de productivité agricole très intéressant : leur production totale de nourriture est de plus de 50 tonnes par hectare.
Les Trois Soeurs.
Originaire du Mexique, puis propagé en même temps que le maïs dans le reste de l'Amérique du nord, le système d'agriculture symbiotique appelé « les Trois Soeurs », était toujours prédominant chez certaine tribus indiennes comme les Iroquois, lors des premiers débarquements d'hommes blancs, au 17eme siècle. C'est une pratique toujours très répandue au Mexique.
Cette culture traditionnelle consistait à planter un pied de mais, un haricot grimpant le long du mais, et une courge planté à la base. Plus précisément, lorsque le maïs fait environ 15 cm, le haricot et la
courge sont plantés autour du pied de mais. Le maïs sert de support pour la croissance du haricot, qui est une légumineuse dont une propriété essentielle est de fixer l'azote dans le sol.
Le haricot fertilise donc le sol pour les 2 autres plantes, et la courge recouvre et monopolise le sol environnent, empêchant donc la propagation d'autres mauvaises herbes, et par l'ombre qu'elle fait permet à l'humidité de rester dans le sol.
Un dernier avantage de cette combinaison est qu'elle offre une nutrition relativement complète.

 

Sur les champs en terrasse de l'Himalaya, les paysans, font pousser du millet, de l'amarante, plusieurs sortes de haricots, du soja, et d'autres espèces locales de graminées, en rotation mais aussi en polyculture, avec des cultures associées extrêmement diversifiées .
Leur production à des rendements généralement plus de de 6 fois plus importants que ceux des grosses exploitations en monoculture.
 

 

Il y a 4 raisons principales et constantes au fait que la polyculture soit si productive.

 

1) Une meilleure utilisation de l'espace :
- En monoculture, il est impossible de planter aux endroits ou la machine passe, donc la perte de surface utilisée au sol est d'environ 50 à 80% suivant les cultures. Les machines agricoles ont en effet besoin d'uniformité.. uniformité de l'espace, des semis, de la taille des plants... etc. La polyculture exclu de facto l'usage de machines, car aucune machine agricole n'est conçue pour récolter une polyculture, même centenaire comme celle des Trois Soeurs.
- Un champs produira plus de récolte s'il est planté avec des cultures associées, qu'une surface équivalente ou seront plantés différentes parcelles séparées de monoculture. Par exemple, en plantant du sorgho et des pois d'angole (légumineuse), un hectare produit une récolte équivalente à 0.94 hectare de sorgho et 0.68 hectare de pois d'Angole en monocultures. Donc un hectare de polyculture produit dans ce cas un équivalent de 1, 62 hectare de monoculture. On appelle cela le Land Equivalent Ratio (LER). Un mélange de maïs, manioc et arachide couramment pratiqué en Inde possède un LER de 2, 51.

 

2) Dans la mesure ou l'énergie fournie par les hydrocarbures disparait, la seule énergie véritablement utilisée sur une parcelle agroécologique est l'énergie solaire ; que la photosynthèse transforme en biomasse. En monoculture, l'utilisation de l'énergie solaire est limitée par un facteur : la saturation lumineuse. C'est le moment à partir duquel le processus de photosynthèse de la plante s'arrête car la plante est submergée par une trop longue exposition à la lumière du soleil. Dans la pratique, cela veut dire que la plupart des plantes sur un champ de monoculture en plein soleil arrêtent leur croissance vers 10h00 et ne recommencent pas avant 16h00. Dans ce cas, rarement plus de 30% du temps d'exposition solaire est effectivement utilisé par les plantes.
Dans un système de polyculture, plusieurs végétaux de différentes tailles regroupés peuvent se faire de l'ombre, suivant le moment de la journée. Les plantes sont diversement exposées au soleil, à différents moments de la journée et se relaient pour faire leur photosynthèse. Un système avec de l'ombre, produit donc de la biomasse de manière plus continue au cours de la journée.
Le système des 3 Soeurs permet une efficacité en terme d'utilisation lumineuse proche de 90%.

 

3) Les mycorhizes, qui sont les symbioses entre champignons et végétaux que permettent le mycélium: le mycélium est la partie souterraine des champignons, ses racines en quelque sorte, soit un réseau de filaments blancs qui vient entourer et même parfois pénétrer les racines des plantes.
- La plante hérite de la capacité du mycélium à absorber plus facilement l'eau et les sels minéraux comme le phosphate et l'azote, tout en la protégeant d’attaques d’autres organismes pathogènes. En général l'association n'est pas absolument nécessaire, mais va accélérer considérablement la croissance de la plante et sa « productivité », comme c'est le cas de manière flagrante pour les céréales et les arbres fruitiers. Grâce aux mycorhizes, on à donc des plantes plus résistantes aux maladies, et plus résistantes aux sécheresses.
- Un autre élément potentiellement important en polyculture vient du fait que les mycélium qui forment une sorte de réseau étendu dans le sol (parfois appelé Wood Wide Web) sont aussi capables de transporter des matières (eau, azote, carbone et sucre) produites par une plante, aux racines d'une autre plante à proximité, qui par exemple, faute d'ensoleillement ou d'arrosage n'en produit pas assez. Un exemple: Les fraisiers qui poussent dans la Forêt Noire allemande prospèrent dans un sous-bois si sombre que la lumière y est insuffisante pour assurer leur photosynthèse: Ils bénéficient en contrepartie d'un apport de carbone et de sucre produits par les grands arbres, et délivrés via le réseau mycélien.
On à donc une vraie collaboration, voir entraide, entre plantes d'espèces tout à fait différentes. Ce phénomène à été mis en évidence uniquement en 1997. (Voir à ce titre l'excellent article de « La Recherche » n#411 - Plantes et champignons - L'alliance vitale). La mycorhize est presque entièrement détruite en agriculture conventionnelle, à cause du sol passablement abimé, et de semences tels que les grains transgéniques dont la plupart sont devenus spontanément incapables de mettre à profit une telle symbiose.

 

4) Les vers-de-terre, ou lombrics sont aussi une condition important à la régénération des sols et à leur fertilité. En monoculture, sur terrain labouré et fertilisé, on passe d'environ 2 tonnes de vers-de-terre à l'hectare à moins de 50 kilos. Leur activité est néanmoins bénéfique à plusieurs niveaux. Ils sont un moteur du cycle nutritif du sol, en ingérant puis en incorporant rapidement les débris végétaux au sol. A ce travail de mélange s'ajoute une production de mucus, qui associée à l'eau qu'ils rejettent, améliore considérablement l'activité des autres microorganismes présent dans le sol, éléments essentiels à sa fertilité. Dans une prairie ou sur un champ non-labouré, en tenant compte des 10mg de nitrates produits la décomposition de chaque ver qui meurt, plus ses excréments, on arrive à plus ou moins 250 kilos d'azote par hectare et par an. L'excrément des vers-de-terre est le meilleur engrais qui soit. A cela s'ajoute les canalisations qu'ils creusent, jusqu’à 500 mètres par mètre carré, et qui permettent non seulement une meilleure pénétration de l'eau dans le sol, mais servent aussi aux racines des plantes qui les empruntent pour s'enfoncer plus profondément, et capter ainsi plus d'humidité. Il à été démontré par de nombreuses études menées par Robert J. Blakemore qu'il y a une très forte corrélation entre la productivité d'une parcelle et la masse de vers-de-terres. Des recherches qu'il à conduit en Nouvelle Zélande et en Tasmanie, ont démontré que des vers introduits dans des prairies agricoles désertés par les vers ont produits une augmentation initiale de 70 à 80% de la croissance de la végétation de la prairie, avec une augmentation sur le long terme de plus de 25%. Cette technique expérimentée en Inde sur plusieurs plantations de théiers différentes pendant trois ans présente aujourd'hui des résultats très significatifs : la production des feuilles de thé s'est accrue de 35 à 240% ; la rentabilité des exploitations a augmenté de 28 à 260 %. Un sol « labouré » par les vers-de-terre est un sol fertile.

 

Deux points à souligner :

 

● La diversité des cultures sur un même champ permet aussi d'éviter la propagation et la sensibilité des cultures aux maladies.
La venue d'insectes nuisibles ou maladie n'est pas empêchée, néanmoins les stimuli visuels et chimiques émanant des plantes sont moins concentrés, plus diffus et mélangés. Dans ces conditions, l'insecte à plus de difficulté à trouver les feuilles qui l'intéressent et passe moins de temps au même endroit. Au final, une attaque d'insectes ou une pathologie sur un champs n'engendrera en générale jamais plus de 10% de pertes sur une même population de plantes.

 

● Dernier atout, à une meilleure productivité s'ajoute une meilleure utilisation de l'eau. Si l'on considère aussi «l'efficacité d'eau» comme étant la quantité de grains produite par millimètre d'eau consommée il s'avère que le système d'association présente toujours une meilleure efficacité par rapport aux systèmes de culture unique. Par exemple il à été démontré par une étude de l'Institut National de Recherches Agronomiques du Niger que dans l'association mil/cornille (black eyed pea, un légumineux), l'utilisation de l'eau est 11% plus efficace que celle dumil cultivé seul. Plus de racines à un même endroit, implique tout simplement que l'eau qui y est déversé a plus de chance d'être captée par les plantes. Plus la densité de pieds au mètre carré est élevé, plus l'eau est efficacement utilisée.
 

 

Bilan
La polyculture réclame beaucoup plus de travail par unité de surface. Comme les machines agricoles sont exclues, tout le travail est manuel. Ainsi, un fermier ou un ouvrier agricole ne peuvent prendre en charge individuellement qu'un ou 2 hectares par personnes.
Est-ce néanmoins un désavantage dans des sociétés ou le chômage nage entre 10 et 20%, que d'augmenter si radicalement le nombre de travailleurs à l'hectare ?
On pourra au contraire y voir une éventuelle solution...
La polyculture à 4 grands avantages sur la monoculture : Productivité, Stabilité, Autonomie, et Durabilité... Si notre préoccupation concerne la production alimentaire, la polyculture est plus productives. Si la préoccupation est celle de l'efficacité, les petites fermes sont plus efficaces.
Si la préoccupation est celle de la pauvreté, des réformes privilégiant une économie agricole locale, basée sur des fermes familiales offrent une solution claire, basée sur une stratégie réaliste, pratique, et durable. Dans la mesure ou elle n'entre pas dans une logique commerciale qui vise à réduire les couts de main d'oeuvre, et rendre sa clientèle dépendante, il n'y a malheureusement que très peu de chance qu'elle soit envisagée comme une solution politique globale et de premier ordre à l'insécurité alimentaire grandissante.

 

Au regard de la raréfaction des terres arables parallèlement à l'explosion démographique, la problématique de la production agricole pourrait être envisagée sous l'angle suivant: comment augmenter les rendements en polyculture sans augmenter la surface cultivé ?
Aujourd'hui, seules 15 plantes et 8 espèces animales, fournissent 90% de la nourriture de l'humanité. Une plus grande diversification des cultures et complexification des processus naturels mis en oeuvre en agroécologie peut être un moyen de densifier et intensifier la production agricole.
C'est un des intérêts offerts par la permaculture.

 

LA PERMACULTURE : MISE EN OEUVRE

 

La permaculture ( de l'expression anglaise "permanent agriculture", soit une agriculture qui se veut permanente et durable), telle que définie par Bill Mollison entre 1972 et 1974, est la conception et la maintenance d'écosystèmes productifs agricoles, ayant la même diversité, stabilité et souplesse que les écosystèmes naturels.
Bill Molisson s'est grandement inspiré des travaux du japonais Masanobu Fukuoka pour les cultures annuelles, et du livre « Tree Crops: A Permanent Agriculture » de l'Américain Joseph Russell Smith, pour l'importance des arbres dans la production agricole.
Tous les écosystèmes sont en très grande partie symbiotiques, et impliquent des interactions de dizaines, voir de dizaines de milliers d'espèces entre elles. Le but de tout écosystème est de réaliser une densité de vie maximum, avec un maximum d'échanges nutritifs. En termes de biomasse produite, tout système réduisant ces échanges et interactions à de forte chance d'être moins productif qu'un écosystème complexe naturel, ou qu'une culture cherchant à reproduire un écosystème complexe (ce qui est le cas dans la permaculture) tirant profit d'une large variété d'espèces et de leur relation complémentaires. L'observation de l'écosystème est donc primordiale et préalable à la conception. Observer ce qui se déroule dans la nature puis l'imiter, c'est à dire adapter ses stratégies, qui ont naturellement et accidentellement évolué, aux végétaux qui seront cultivés.
La permaculture à ensuite pour but, l'application de pratiques et de modèles qui visent à un usage durable du sol, de l'eau, des plantes et des animaux. Il s'agit donc d'un système intégré, qui implique la gestion de l'environnement, des processus agricoles, des ressources naturelles.
Le résultat est donc une polyculture diversifié, avec une végétation très dense et très touffue, ou seul 10 à 20% de la surface au sol n'est pas productive.
Aux plantes comestibles (légumes, fruits) s'ajoutent des plantes dites « utiles » dont le rôle sera simplement de bénéficier aux autres...
L'exemple le plus commun, et l'un des piliers de la méthode agroécologique, est la plantation de haricots, de pois ou tout autre légumineuse qui servira à enrichir le sol en azote.
D'autres plantes sont choisies parce qu'elles attirent, ou peuvent servir de refuge à des insectes utiles, telles que les abeilles ou telles que les carabes et qui ont un rôle de prédateurs des insectes habituellement nuisibles aux récoltes.
Plus grande est la variété de cultures et plus grande est la biodiversité, plus l'espace de culture sera potentiellement un habitat favorable à des espèces d'animaux et d'insectes..
Plus l'espace cultivé est peuplé d'insectes carnivores, de grenouilles, lézards, et est visité par des chauves souris, des chouette...etc, plus il se maintiendra et se régulera dans la durée. Certains appellent ce processus « l'écologie de réconciliation». Inclure des poulets de temps en temps dans le système (qui permettent au sol d'être gratté superficiellement, composté par le «fumage » naturel des poulets, et débarrassé de certain parasites) permet de diversifier aussi la production de nourriture... Suivant la nature du terrain, un bassin d'aquaculture peut être aussi un élément de diversification.
Un des fondements de la réussite de la permaculture est la production de sol organique fertile. C'est à la fois une conséquence et un but du système.
A partir du moment ou le sol est nourri de la dégradation des feuilles branches, mortes ou taillées, simplement et directement laissé en mulch, la fertilité du sol augmente d'année en année.
Dans ce cas, et après quelques années, la proportion de matière organique dans le sol peut atteindre 22%, avec une Capacité d'Echange Cationique (CEC) de plus de 25.
Le CEC est une mesure indirecte de l'humus dans le sol, et indique précisément quelle est la capacité du sol à retenir les minéraux et à les rendre disponibles pour les plantes. Plus l'indice est haut, plus les sels minéraux sont stockés dans le sols et disponibles.
A titre de comparaison, le taux de matière organique des sols agricoles tourne autour de 2% en France, pour un CEC d'environ 5.

 

« Food Forest », la forêt nourricière.
La permaculture trouve un de ses buts ultimes dans la conception d'une forêt nourricière, dont le concept, bien que très ancien dans certains pays des tropiques doit sa première introduction au monde occidentale à un anglais, Robert Hart.
Son coup de génie aura été de non seulement étudier des modèles de forêts nourricières tropicale, mais d'expérimenter ensuite leur transposition en climat tempéré, en Angleterre, dès le début des années 60. Son livre « Forest Gardening » fût le premier à parler de « forêt nourricière » pour les climats tempérés. Le concept est jovialement résumé par Roberto Pérez, cubain, qui à la Havane, s'occupe de l'enseignement de la permaculture urbaine.

- « Personne ne fertilise ou n'irrigue une forêt. La forêt est autonome. Si vous êtes capable de recréer une forêt nourricière alors votre principal effort sera d'en récolter les fruits. Grâce à cette méthode, l'effort est moindre. Vous travaillez beaucoup au départ, mais une fois le système établi, vous travaillez beaucoup moins. C'est ce que nous appelons l'agriculture de fainéant. La raison est que vous travaillez avec la nature et pas contre elle. »
La raison pour laquelle les milieux forestiers sont si productifs est qu'il croissent suivant un modèle de superposition de couches verticales de végétaux de différentes tailles. Une forêt nourricière cherche à imiter cette superposition de différentes couches, mais en utilisant évidemment une majorité d'espèces comestibles.

Concrètement et pour ce qui concerne la conception par « couches » superposées les unes sur les autres :
- Sur le sol est d'abord planté un premier « étage » de fruits et légumes, voir de céréales.
- On trouve au dessus les buissons, arbustes fruitiers qui peuvent donner des fruits, des baies.
- La couche supérieure est constituée des arbres fruitiers, tels que les cerisiers, pommiers, pruniers etc (pour les climats tempérés).
- Puis enfin la canopée, la couche d'arbres les plus hauts, dont le rôle est soit productif (plutôt en pays tropicaux) soit utilitaire, à savoir tirer les sels minéraux du sol, et dégrader la roche avec leurs racines en profondeur pour les déposer plus tard au sol par leur litière de feuille.
- Les autres couches qui composent cette forêt nourricière sont les racines, tubercules comme les carottes, pommes de terre... etc, les plantes grimpantes comme les vignes, lianes telles que les kiwis, et enfin les plantes rampantes.

 

Une des première critiques de la permaculture ; dans les années 80, faisait valoir qu'un tel modèle peut être efficace en climat tropical et subtropical, mais impossible à reproduire dans d'autres climats. Les nombreux exemples à travers le monde, en Angleterre, dans le climat montagnard de Kremterhof en Autriche, (1500 mètres d'altitude), ou dans la sécheresse du désert Jordanien, montrent bien que le concept d'observation du milieu, puis de reproduction de ses écosystèmes est adaptable pratiquement partout dans le monde. A titre d'exemple, en climat tempéré humide, comme en Angleterre, il conviendra d'aérer en plantant moins d'arbres, pour avoir plus de lumière, et d'éviter l'accumulation d'humidité dans le sol, en créant des cultures sur buttes. Bien qu'étant relativement productif dès le départ, pour qu'un tel système soit tout à fait fonctionnel il faut quelques années.
Un début de conception d'une forêt nourricière peut être la plantation d'arbres légumineux, tel que les acacias, dont le but est de fertiliser le sol en azote grâce à leurs racines, et de fournir un apport en carbone au sol, par la taille de leur branche que l'on se contentera de déposer par terre, notamment au pied des arbres « productifs ». Cette dernière pratique à pour but d'accélérer le processus naturel de dégradation des branches et des feuilles tombées au sol, qui est aussi constitutif du sol riche en humus des forêts; l'intérêt est donc de prendre des légumineux à croissance rapide, qui puissent être taillées franchement et fréquemment. Ces arbres seront peu à peu sacrifiés, et verront leur nombre diminuer pour laisser la place aux plantes productives.
En 3 à 4 ans en moyenne, une forêt nourricière peut commencer à être autonome, avec une efficacité croissante dans le temps.

 

 

CONCLUSION

 

L'échec de l'agriculture conventionnelle tient à ce qu'elle est le produit d'une organisation économique qui dans sa simplification, son uniformisation et sa centralisation à prétendu pouvoir régir des processus naturels complexes et fragiles, résultat de millions d'années d'évolution.
L'origine de ce malentendu tient aussi très probablement à cette fausse conception du Darwinisme, qui consiste à croire que sélection veut dire sélection du meilleur. Darwin n'a jamais élaboré de théorie sur la «sélection des plus aptes», à l'origine du « Darwinisme social ». La méprise vient d'un de ses contemporains philosophe, Herbert Spencer, ayant cité les travaux de Darwin pour légitimer ses propres réflexions sur le libéralisme. La « sélection des plus aptes » n'a donc pour origine qu'une méprise, qui s'illustre dans tous les aspect les plus nauséabonds de notre époque, et est à l'origine de certaines grandes erreurs de l'Histoire. Darwin, n'a jamais ignoré que les conditions nécessaires à la vie pour atteindre son but ultime, c'est à dire la reproduction maximale, nécessite autant de compétition que de coopération. Sans cet équilibre, ni création, ni évolution. Il ne peut pas y avoir de « meilleur », car l’avantage dans un milieu donné peut devenir désavantage dans un autre.
Concrètement, l'établissement d'un catalogue européen des « meilleures » semences, sélectionnées dans un environnement de production agricole aussi bancal et irrationnel, ne peut pas être pris au sérieux. C'est dans ce contexte que la permaculture à vocation à être appropriée par le peuple car elle relie l'individu aux processus naturels qui sont à l'origine de son existence et constitue une démonstration tangible que les forces créatives les plus puissantes sont fondées sur la symbiose, la coopération, et la solidarité. La prise en compte de l'importance décisive de ces phénomènes en agriculture comme sur le plan social sera décisive dans l'issue à court terme de l'aventure humaine.

 

(Adaptation d'une étude de Sébastien DEBANDE - 2010)

"Des fermes avec des arbres"

« C’est la forêt qui joue le rôle principal dans la formation des sols fertiles. La majorité des terres les plus fertiles vouées à l’agriculture sont d’origine forestière. Pourquoi ne pas nous référer au modèle forestier qui nous a donné des sols agricoles fertiles ? »
Gilles Lemieux et Diane Germain - 2001

 

« La Nature a horreur du vide. Lorsque nous plantons en ligne, nous générons entre chaque rang un petit désert.
L’existence de ces déserts entre les rangs constitue l’une des raisons majeures pour lesquelles l’agriculture chimique tout comme l’agriculture biologique épuisent les sols. »
John Jeavons - 1998