Le modèle d'agriculture, tel qu'il a été appliqué à la ferme que nous avons acquise à Sansan (GERS), commence à montrer ses limites : désertion des campagnes, dégradation des sols, perte de biodiversité, multiples pollutions, dépendance aux énergies fossiles, difficultés économiques, etc.
Quant au cahier des charges de l'agriculture biologique, malgré ses vertus incontestables, il ne répond pas entièrement aux enjeux écologique, climatique, énergétique, alimentaire et économique auxquels nous sommes confrontés.
Il nous parait ainsi important d'aller plus loin et d'engager une transition vers un type d'exploitation agricole véritablement durable et résilient et qui donne envie aux jeunes générations de revenir vers l'agriculture.
C’est pourquoi les initiateurs du projet de la ferme « Canopée » s'emploient, avec des porteurs de projet agricole, à la construction d’un modèle agricole innovant s'appuyant sur 14 grands principes qui constituent la charte du projet :
1) Préservation de la biodiversité et impact écologique nul, voir positif
Notamment grâce à :
- l'emploi de principes agro-écologiques et permaculturels (semi-direct, buttes, agroforesterie, forêt comestible, couverture permanente, pas ou peu de travail du sol, aucun intrant chimique, conception intégrée du système agricole, etc.),
- une prise en compte de la vie des sols,
- une gestion rigoureuse des ressources naturelles et des déchets
- le souci de notre empreinte carbone.
2) Recherche d'indépendance progressive vis-à-vis des énergies non renouvelables, tant au niveau du carburant utilisé pour le matériel, que du chauffage des locaux et des intrants de toutes sortes : recherche d'autofertilité, gestion rigoureuse de l'énergie, faible moto-mécanisation, production d'énergie renouvelable et/ou d'agro-carburants pour les besoins de la ferme, gestion durable du bois ;
3) Système mutualisé accueillant plusieurs agriculteurs indépendants sur de petites surfaces, qui travaillent côte à côte et mutualisent, au choix, leurs savoirs, leurs savoir-faire, leurs idées, leurs matériels et locaux, leurs tâches administratives, leurs frais généraux, leur outil de vente, etc. La mise en place d'une banque de travail permet une véritable entraide, une meilleure qualité de vie et une organisation efficiente.
4) Distribution 100% locale des aliments produits, contribuant ainsi à la souveraineté alimentaire de notre territoire (Gers). cela permet également de garantir un meilleur revenu au producteur, une plus grande fraicheur des aliments et des prix abordables pour les consommateurs.
5) Polyculture intégrée : productions diversifiées à faible impact écologique et recherche d'une offre alimentaire équilibrée sur le plan nutritionnel (fruits, légumes, pain, œufs, volaille, céréales, protéines végétales, miel, plantes aromatiques et médicinales, produits transformés...et pourquoi pas insectes !).
Nous tendrons au maximum vers un modèle de "gestion intégrée" où les déchets organiques d'un atelier serviront de ressources pour une autre production (objectif "zéro déchet").
Concernant l'élevage, nous considérons les animaux domestiques comme pleinement intégrables dans les écosystèmes agricoles et nous veillons à ce qu'ils y participent de la façon la plus harmonieuse possible.
6) Modèle économique plus résilient, moins dépendant de l'énergie, des ressources en eau, des investissements, des crédits bancaires, des aides et subventions, de l'achat des semences, des transports. Mais aussi grâce à la mutualisation des coûts, et la diversification des revenus (transformation, formations, etc.) ;
7) Système très productif, en termes de productivité par unité de surface et de productivité par unité de ressource fossile consommée. Il est largement démontré que les fermes de petite taille ont en effet un meilleur rendement du fait du recours à la polyculture, aux cultures associées et intercalaires, au soin apporté sur des surfaces réduites bien maitrisées. Nous espérons ainsi créer de nombreux emplois avec un revenu décent sur un minimum de surfaces ;
8) La réappropriation des semences. Il est important que les paysans aient la maitrise de leurs semences et puissent adapter les variétés à leur lieu. Cela passe en premier lieu par le refus des OGM et l'évitement des hybrides qui empêchent leur propre reproduction et laissent la mainmise aux semenciers industriels.
9) Bien-être animal
Nous considérons les animaux comme des êtres doués d'une sensibilité avec lesquels l'homme mène une relation d'échanges mutuels. Ils doivent être élevés et soignés en conscience de cela, avec bienveillance dans le respect de leurs rythmes, dans un environnement adapté et un espace suffisant pour leur
bien-être physique et psychologique. Ceci en veillant à trouver la juste mesure dans les contraintes qu'on leurs impose.
Dans le cas de l'abattage, tout doit être mis en œuvre pour réduire le traumatisme (choc émotionnel) et la souffrance physique au minimum.
10) Recours à l'expérimentation. Il est important en effet de remettre en cause nos pratiques et d'améliorer nos techniques et nos connaissances des écosystèmes complexes. Pour permettre la comparabilité et l'efficience des systèmes productifs, chaque paysan est encouragé à évaluer sa productivité, ses consommations d'énergie, d'eau, son temps de travail, etc.
11) Ouverture vers l'extérieur : la participation à un réseau de fermes locales et un réseau national de fermes agro-écologiques permet d'encourager l'échange de pratiques efficientes entre professionnels. De même nous encourageons l'organisation de formations, le partenariat avec les écoles, les collectivités locales et les instances agricoles. En outre, nous favoriserons le développement d'activités culturelles, artistiques et artisanales sur le lieu, ainsi que l'accueil des curieux, intéressés et acteurs du milieu agro-écologique.
Enfin, sur un plus long terme, l'accueil d'un Espace Test Agricole serait un atout majeur pour la réussite des installations hors cadre familial.
12) Qualité de vie de l'ensemble des acteurs du projet : le plaisir et l'épanouissement dans l'exercice d'une activité agricole sont des facteurs déterminants pour juger de la réussite de ce projet, ainsi que la préservation de l'intimité de chacun.
il convient également de préciser que le bien-être animal est une des conditions essentielles du projet Canopée.
13) Prise de décisions collectives pour l'instauration des règles de vie, de gestion, etc. par la mise en place de réunions régulières.
14) Qualité relationnelle : le respect des principes qui précèdent suppose des qualités d'écoute, une nécessaire bienveillance et la solidarité de chaque acteur du projet Canopée.